San Augustin, les beaux jours d’un voyageur dans les parcs archéologiques inscrits au Patrimoine de l’Humanité de l’Unesco

1.02.19 | 0 commentaires

« Quand je suis arrivé ici il y a une douzaine d’années, avec mon sac à dos, je me suis dit tout de suite que c’était là que je voulais vivre ! A l’époque, le seul moyen de transport était le cheval. Pas de téléphone mobile, encore moins d’internet… San Augustin était le lieu de rassemblement de tous les routards en transit entre nord et sud, est et ouest, en Amérique du Sud. C’était à part,… le reste du monde ne connaissait pas San Augustin … » Les yeux de mon interlocuteur français brillent encore au souvenir de la découverte de cette bourgade, blottie entre des contreforts boisés des Andes. Il continue l’évocation de sa vie ici : « Tous les routards se connaissaient. Il y avait un esprit particulier qui persiste encore aujourd’hui ; certains sont comme moi, ont posé leurs valises dans ce coin de Colombie qui n’a pas toujours été aussi calme qu’aujourd’hui : je me souviens des hélicoptères qui longeaient en file indienne la montagne là-bas, pour aller bombarder la guérilla (sa main s’est tendue vers une forêt pas si éloignée que cela, à flanc de colline). On les entendait de loin et nous faisions des vœux pour que nos amis routards qui vivaient dans la forêt ne soient pas pris dans le feu. Depuis, certains ont ouverts des boutiques, d’autres des restaurants – un excellent italien comme là-bas dis ! – mais certains vivent toujours sans eau courante, sans électricité, dans la forêt. Tout s’est calmé et c’est tant mieux pour tous. San Augustin est redevenu depuis des années maintenant ce petit paradis  authentique, où l’on peut se promener tranquillement et découvrir les parcs archéologiques ». Parce qu’ici le nombre de parcs archéologiques inscrits au Patrimoine de l’Humanité de l’Unesco étonne tout voyageur, d’autant qu’ils sont différents : le Parque Archeologico de San Augustin avec Alto de los Idolos, Alto de los Piedras, Alto de Lavapatas, Mesita A, B, C, …, mais aussi Tierradentro, … Pas étonnant que le Guide Vert Michelin considère que le par archéologique de San Augustin « vaut le voyage » en Colombie à lui seul.

Photo : Espaces Andins

J’ai bien croisé lors de mon séjour à San Augustin des cavaliers colombiens comme ceux d’autrefois, des carrioles chargées de fruits et légumes en route vers le marché, mais aussi un nombre impressionnant de 2 roues pilotés par une jeunesse identique à celle que l’on trouve partout ailleurs, attendant la fièvre du samedi soir quand leurs parents à leur âge attendaient des jours meilleurs.

Photo : Espaces Andins

Mon guide a connu ces temps-là ; il est du genre taiseux. Il a largement dépassé la cinquantaine et on devine que ses yeux bleus ont vu pas mal de choses. J’aurais le privilège de croiser sa petite famille ; ils vivent dans une maison basse, blanche comme beaucoup de maisons en Colombie rurale, en contrebas de la route principale. Les barreaux  aux fenêtres, ses silences témoignent des jours difficiles, les sourires, la passion pour San Augustin et le mystère du peuple ancien qui a vécu ici témoignent d’une foi inébranlable en l’avenir.

Photo : Espaces Andins

Parce que San Augustin est désormais célèbre dans le monde entier depuis que l’Unesco a décidé d’inscrire les parcs archéologiques de la région à sa liste du Patrimoine de l’Humanité. Ici, tous les jardins cachent des pièces archéologiques dignes des meilleurs musées. Ici, chaque mètre carré de forêt est un coffre aux trésors ! Avec en plus cette pointe de mystère, ce point d’interrogation majeur : qui étaient ceux qui ont laissé ces témoignages ? En Europe, on connait les Mayas d’Amérique Centrale, les Incas d’Amérique du Sud et c’est à peu près tout. Mais là, les archéologues sont face à un mystère complet, peut-être renforcé par le fait que c’est en Colombie, quelque part entre Bogota et l’Amazonie, qu’est née la légende des Cités d’Or et de l’Eldorado. Qui étaient-ils ? D’où venaient-ils ? Et surtout, où sont-ils allés et pourquoi ont-il tout abandonné ? Il faudra peut-être des siècles pour répondre à ces questions ; pour l’instant nous restons face au mystère mais avec la possibilité de découvrir en paix ces parcs archéologiques de la région de San Augustin, tous plus surprenants les uns que les autres.

Photo : Espaces Andins

Ce qui m’a frappé dans tous les parcs, c’est le contraste entre la tenue de ces lieux, d’une propreté impeccable, remarquablement balisés, pédagogiques, et l’absence de foule. Mon guide pourra prendre tout son temps pour m’expliquer sa passion. Tous les guides ici – et ils sont nombreux depuis la fin des troubles – sont des passionnés et chacun a son hypothèse, plus ou moins scientifique, plus ou moins romantique sur la civilisation que les voyageurs vont effleurer. A chaque point d’entrée de l’un ou l’autre des parcs, ce sont des discussions sans fin entre guides sur les dernières avancées donnant raison à l’un ou l’autre.  Mon guide est du genre scientifique, capable d’exposer l’utilisation des mathématiques avancées par le peuple mystérieux lors de la réalisation d’ouvrages, de faire le parallèle avec la civilisation égyptienne antique ou les statues de Rapa Nui. Et moi du coup plus modestement, j’ai pensé aux dolmens de Bretagne, à Tintin et le Temple du Soleil dans ces jours passés à découvrir les parcs archéologiques de San Augustin.

Dans le premier parc que j’ai visité, après les explications pédagogiques de mon guide sur la localisation, la façon d’accéder à cet endroit, l’accueil s’est fait par une gigantesque statue effrayante : un personnage moitié sculpté moitié dessiné sur une immense plaque de pierre tient entre ses mains un humain minuscule, peut-être un bébé, la tête en bas. Le visage du personnage est féroce, des canines surdimensionnées dépassant de sa bouche. Voilà le mythe de l’ogre dévoreur d’enfant des contes de Grimm transposé en Colombie. Mais non … Mon guide m’expliquera que le sourire n’est pas carnassier mais plein de bonheur, que les dents sont là pour montrer la force du personnage (des dents de jaguar, témoignant du fait que le personnage a accédé à un stade supérieur dans sa vie), et qu’en fait il s’agit d’une mère heureuse d’avoir eu un enfant… Telle est la conclusion à laquelle sont arrivés par recoupement les archéologues ; j’avoue que cela ne saute pas aux yeux d’un européen qui peut avoir une toute autre conception de la chose, mais je me souviens d’un film où le personnage disait qu’en archéologie il fallait se méfier des évidences, replacer les éléments dans leur contexte, et qu’un X n’a jamais marqué l’emplacement d’un trésor.

Photo : Espaces Andins

Parce qu’en ces lieux qui s’ouvrent doucement au tourisme (en fait ils sont ouverts, les guides sont là, les hébergements certes ne sont pas d’un grand confort mais ont le mérite et de l’authenticité et de l’accueil chaleureux personnalisé ; ce sont les touristes qui gardent encore pour l’instant cette image d’une Colombie violente et restent – trop – prudents) on se sent très vite Indiana Jones : il n’y a rien de vraiment spectaculaire, mais il y a du mystère. Beaucoup de tombes ont été pillées ; il ne reste que peu de témoignages vraiment humain, mais il y a tant à découvrir : merci à Espaces Andins de m’avoir trouvé LE guide, capable de me faire remarquer dans un parc l’orientation des tombes selon la course du soleil, dans un autre le mode de construction des sépultures en dolmen juxtaposés qui sont autant de portes que le mort devra franchir pour accéder à l’au-delà, la symbolique des ornements des statues qui permet d’appréhender la hiérarchie sociale de ce peuple mystérieux …

Un moment impressionnant aura été ma descente dans les hypogées du parc de Tierradientro. « Dans la Terre » ! Dans le petit matin mon guide m’amène en haut d’une colline boisée ; le paysage est magnifique avec des cordons de brumes accrochés aux pentes des monts alentours. J’avais pu aller la veille dans un parc lui-aussi en hauteur et, dans la douceur du soir et un paysage de rêve, j’avais découvert des statues d’une rare complexité psychologique : plusieurs personnages contradictoires étaient représentés sur une même statue portant sur un être unique : Freud aurait été étonné de découvrir un peuple semblant maitriser le Moi, le Surmoi et l’Inconscient il y a plus de 1.000 ans, quelque part en Amérique du Sud, dans un village comme San Augustin.

Photo : Espaces Andins

Que réserve Tierradientro ?

Nous prenons un chemin à peine dessiné et descendons vers un plateau herbeux à l’écart de tout village. Il y a là des sortes d’abris de jardin vers lesquels nous nous dirigeons. Chacun matérialise l’entrée d’un hypogée, c’est-à-dire d’une chambre funéraire située à plusieurs mètres sous la surface. Un garde ouvre une trappe pour le visiteur, le laisse descendre et prendre tout le temps de la découverte. C’est un grand moment d’émotion que de descendre ce qui s’apparente à des escaliers mais parfois ne sont que des pierres massives empilées. Claustrophobes s’abstenir, mais aussi toute personne qui a des difficultés articulaires ou un surpoids trop fort : une fois en bas de votre escalier quasi vertical, il faudra penser à la remontée.

En attendant, chacun peut prendre le temps qu’il veut pour découvrir les peintures, les décorations de ces salles funéraires. Le jour où j’ai pu vivre cette émotion de l’archéologue découvrant une tombe, il n’y avait qu’un mini groupe de quatre jeunes allemands en même temps que moi à Terradientro. Nous ne nous sommes pas gênés avec les dizaines de tombes accessibles au public pendant que les gardiens restent à l’air libre sous leurs abris. Des centaines de tombes restent à découvrir, on le sait par leur ordonnancement mathématique et la couleur de l’herbe qui change selon la nature du sous-sol. De nombreuses tombes ont été pillées et cela explique deux choses : l’interdiction absolue de mener des fouilles sans autorisation dans toute la zone des Parcs Archéologiques de San Augustin, et la frustration que l’on a de découvrir des hypogées vides de tout témoignage humain à l’exception des décorations murales.

Difficile de dire ce qui caractérise le mieux ces jours à San Augustin ; je ne répondrais pas à la question de mon guide qui voulait savoir quel était le parc archéologique que je préférais, lui-même ne cachant pas sa préférence – comme chaque guide ici :  Les images s’emmêlent dans ma mémoire, chacune en appelant une autre : les grandes statues, les petits sarcophages, les caciques et les crocodiles de pierre devant des tombes, les personnages à l’air féroce, les vastes étendues herbeuses où sont disséminés les témoignages d’un passé révolu, les escaliers vertigineux descendants vers les chambres mortuaires, les lianes ou les fleurs dont la sève était utilisée comme colorant, tout se mêle et se superpose à d’autres images : les villages préservés, l’arbre à coca devant l’hôtel, le jus de fruits local dégusté après la route, la fraicheur d’un ruisseau, le sourire des commerçants sur les marchés, … Finalement la réponse est peut-être l’amitié, la chaleur de l’accueil en Colombie.

Photo : Espaces Andins

Parce qu’en voyageant en Colombie, on s’immerge dans un spectacle fantastique et sans cesse renouvelé, d’une telle richesse, d’une telle diversité qu’une planification très précise de son voyage est indispensable et mieux encore, le recours à un vrai spécialiste qui a été sur place. Un programme comme « Spectacle colombien » témoigne de tout ce qu’il y a à voir et à vivre, et autant le faire de façon amicale et zen. Le français rencontré à San Augustin avait raison aussi sur ce point : on se sent bien à San Augustin dès qu’on arrive. Merci encore Espaces Andins pour cette découverte !

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