La baie Wulaïa et l’Ile Navarino au Chili

29.05.17 | 0 commentaires

Il fait beau quand je débarque dans la baie Wulaia. Ce n’est pas anodin, car l’Île Navarino – ou Navarin – est située à l’extrême sud de l’Amérique latine, dans la région de Magallanes et de l’Antarctique chilien. Au sud même de la Grande Île de Terre de Feu, dont elle est séparée par le canal Beagle. C’est le royaume du williwaw, terrible vent catabatique, aussi violent que bref et imprévisible. La météo changeante passe parfois en quelques minutes d’un soleil radieux à une bourrasque de neige, ce qui fait dire aux insulaires que l’on peut avoir les quatre saisons en une seule journée ! Si les nuits d’hiver sont longues, certaines journées d’été durent vingt-et-une heures, la température dépassant alors rarement 10°C.

LA CENTOLLA

L’Île Navarino n’en abrite pas moins la localité habitée de façon continue et la ville de plus de mille habitants les plus méridionales du monde, respectivement Puerto Toro et Puerto Williams. Même si Ushuaïa l’argentine ne voit pas dans cette dernière une vraie ville… A seulement 1 120 km de l’Antarctique, Puerto Toro est aussi renommée pour la pêche à la centolla, le crabe royal d’Argentine que vous pourrez déguster entre autre dans le restaurant « Volver » à Ushuaia.

LA FLORE DE WULAIA

A 75 km au sud-ouest de Puerto Williams, sur le chenal Murray, la baie Wulaia est abritée du vent soufflant en permanence dans la région. Ses eaux calmes, peu profondes et parsemées d’îlots sont riches en coquillages, dauphins et lions de mer. Ses plages de galets sont cernées de forêts de lengas (hêtres de la Terre de Feu) et canelos (arbre au bois imputrescible), mousses spongieuses, fougères et buissons de fruits rouges. Introduits pour des expériences sans lendemain d’élevage et d’industrie de la fourrure, le cochon et le castor se sont adaptés, au point pour le second de transformer cet écosystème austral comme jamais depuis la dernière glaciation ! De l’autre côté du chenal, la chaîne de montagnes de l’île Hoste offre un panorama saisissant.

Photo : Espaces Andins

LES YAMANAS

Sitôt sur la terre ferme, nous nous dirigeons vers une maison isolée reconvertie en musée, car cette superbe baie présente aussi un intérêt archéologique et historique remarquable. On y trouve des dômes ou tertres mégalithiques vieux d’environ 10 000 ans, liés aux établissements saisonniers des Yámanas – ou Yaghans. Ce peuple aborigène, le plus austral de l’Histoire, vivait nu ou juste couvert d’une peau de bête, le corps enduit de graisse de phoque pour se protéger du froid. Ses canots étaient faits de longues bandes d’écorce cousues ensemble, avec au fond un tapis de sable et de pierres plates permettant l’entretien d’un feu précieux. Ce peuple nomade confiait la direction de ses canots aux femmes. Comme les célèbres Ama japonaises, elles étaient considérées supérieures aux hommes pour la pêche aux coquillages et les autres activités aquatiques. Elles plongeaient pour récolter les cholgas, sortes de grosses moules dont les amas de coquilles, marquant l’emplacement des huttes, sont à présent classés comme sites archéologiques. Les nasses à poisson des Yámanas, à la maçonnerie encore visible, furent utilisées jusqu’au XIXe siècle. L’Île Navarino présenterait ainsi la plus grande densité de sites archéologiques au monde, du fait de ce mode de vie nomade et de l’arrivée tardive des Européens… Les Yámanas se nourrissaient aussi d’oiseaux, d’œufs et de phoques chassés à la massue. L’échouage de cétacés annonçait un véritable festin. L’allumage de grands feux attirait les clans voisins, favorisant ainsi les rencontres entre clans, mais pour quelques jours seulement. Ils inspirèrent aux Européens le nom de la région, Terre de Feu riche en histoires et légendes. Je recommande absolument la visite du musée Yámana d’Ushuaïa, dont les panneaux évoquant la vie quotidienne de ce peuple sont une parfaite introduction à cette escale.

Photos : Espaces Andins

C’est en 1830 que Robert FitzRoy, capitaine du HMS Beagle, fit halte pour la première fois en baie de Wulaia lors d’une expédition hydrographique et cartographique. Il revint en Angleterre avec quatre Yámanas, dont une jeune fille surnommée Fuegia Basket. « Les bienfaits inhérents à l’adoption de nos habitudes et de notre langue compenseront pour eux le fait d’être temporairement séparés de leur pays », écrivit-il dans son journal de bord. Trois ans plus tard, FitzRoy retourna en Terre de Feu avec trois d’entre eux (le quatrième étant mort de la variole), un pasteur de la Patagonian Missionary Society et un certain Charles Darwin. Intéressé par les nombreux fossiles de la région, le naturaliste commençait à bâtir sa théorie de l’évolution, bien avant l’escale des îles Galápagos.

Photos : Espaces Andins

Sur un sentier portant son nom, nous partons en file indienne pour une courte marche un peu physique mais accessible sur les pas de Charles Darwin. La forêt nous gratifie de ses lengas, coigües, canneliers et fougères. Il nous faut 15 à 20 minutes pour arriver à un mirador en haut d’une colline, offrant un panorama saisissant de beauté. Fort à propos, le guide nous demande un silence complet pendant quelques instants, ce qui rend plus agréable encore la contemplation de la nature ! Nous observons au loin les îlots et notre navire, le Stella Australis. Avril étant ici le début de l’automne, j’ai également la chance de photographier un magnifique dégradé de couleurs.

Photos : Espaces Andins

Entre maladies transmises par les Blancs, chasses à l’Indien, évangélisation et occidentalisation forcées, le contact avec la civilisation fut un long calvaire pour les Yámanas. Cristina Calderón, 89 ans, est aujourd’hui la dernière représentante de cette culture, la dernière locutrice d’une langue autrefois riche de plus de 30 000 mots et concepts intraduisibles, rassemblés dans un dictionnaire et une grammaire par le pasteur Thomas Bridges. Inspirés par sa vie et celle de son peuple, des chercheurs vont régulièrement à Puerto Williams interroger Cristina, reconnue Trésor humain vivant par l’UNESCO et l’une des 50 femmes honorées lors des commémorations du bicentenaire du Chili.

Aujourd’hui inhabitée, la baie Wulaia est puissamment évocatrice. Pour sa nature de toute beauté et son intérêt historique, cette excursion fut le coup de coeur de ma croisière en Terre de Feu.

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Par Valérie et Sébastien

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