En Équateur, s’intéresser au panama pour un coup de chapeau à l’histoire de Montecristi

20.12.19 | 0 commentaires

Quand nous préparions notre voyage, Valérie de Espaces Andins nous avait recommandé de nous intéresser à l’histoire du panama … Un conseil étonnant, … et pourtant … : il ne s’agit pas de connaitre l’histoire du pays connu pour son canal, mais celle du non moins célèbre chapeau pour hommes appelé panama, synonyme de chic et d’élégance au point qu’il serait même dit-on à l’origine du surnom de Paris, quand on évoquait le romantisme nonchalant de Paname ; un produit 100% Equateur pourtant ! Mais attention : qu’il soit sous sa forme la plus connue (le Borsalino), à larges ou petits bords, de couleur ou blanc, le chapeau panama qui est porté par de plus en plus de stars mondiales est caractérisé par sa matière et son mode de confection : c’est une plante de la famille des palmiers qui pousse en Equateur dont les fibres sont tressées à la main selon une méthode figurant au Patrimoine Mondial Immatériel de l’Humanité (Unesco) qui permet de créer des chapeaux qui seront exportés dans le monde entier – alors qu’initialement il s’agissait d’une protection contre le soleil mise au point par les tribus indiennes du sud de l’Equateur.

Photo : Espaces andins

Les panamas les plus recherchés seraient ceux de Montecristi, au nord de Manta : le prix d’un panama montecristi extrafino peut dépasser facilement les mille euros, ayant nécessité près d’un an de travail de tissage et de préparation. On comprend que des chefs d’état (Roosevelt en visite sur le chantier du canal de Panama qui popularisa du coup le Panama Hat et lui donna son nom) ou des stars n’aient pas hésité à s’en coiffer. Espaces Andins nous a donc organisé lors de notre séjour sur la côte Pacifique de l’Equateur la découverte de la confection du plus célèbre chapeau au monde, de la sélection des fibres jusqu’à la vente en boutique à Montecristi avec des rencontres extraordinaires et une découverte de l’histoire de l’Equateur.

Un savoir faire ancestral et une patience incroyable pour donner naissance à un chapeau « objet d’art »

C’est très tôt le matin que notre petit groupe Espaces Andins arpente la rue principale déserte d’un village équatorien, à flanc de colline, à proximité de Montecristi. Pas un bruit. Christopher, notre guide, nous conduit à l’intérieur d’une habitation qui est à la fois une école et un musée : les élèves viennent ici apprendre ce savoir faire ancestral du tissage de la fibre et la façon de donner plus ou moins de souplesse, plus ou moins d’imperméabilité, plus ou moins de tenue à un nouveau chapeau. Notre guide Christopher traduit les explications passionnées du jeune homme au physique typiquement andin qui nous accueille avec un professeur âgé, responsable d’études, référence en matière de transmission du savoir : dans le petit hall de l’école sont exposés différents chapeaux comme autant d’œuvres d’art, des exemples des différents stades de confection du chapeau et, accrochées aux murs, des photos des différentes promotions, jeunes garçons et filles souriants et heureux, accompagnés du vieux professeur.

Après cette présentation générale du jeune conférencier, très professionnelle, respectueuse du savoir-faire tout en étant amicale et participative – avec un examen souriant de nos ongles du pouce respectifs pour savoir si nous ferions de bons tisseurs – et un début de formation active, nous reprenons la route principale du village pour une courte marche jusqu’à une autre maison de village que nous sommes invités à traverser jusqu’à la cour arrière : là un groupe de femmes va se livrer dans la bonne humeur mais avec une concentration totale à la préparation des fibres qui serviront à confectionner les panamas : séparation des palmes à fibres, trempage dans différents éviers remplis d’eau chaude, séchage tout simplement en accrochant les palmes sélectionnées et humides à une banale corde à linge, vérification de la qualité obtenue.

Photo : Espaces andins

L’opération en elle-même est rapide, joyeuse, simple. Elle requiert pourtant beaucoup d’attention puisque, il faut le rappeler, c’est autant la matière première que la méthode de tissage qui ont permis à cette activité d’intégrer la liste du Patrimoine Immatériel de l’Humanité de l’Unesco. Cette fois-ci pas d’exercice pratique ou de mise en situation mais un dialogue avec ce groupe de femmes sur leur vie de tous les jours, leurs joies, l’artisanat local.

L’une d’entre elles se joindra à nous pour poursuivre notre échange tout en nous accompagnant vers la troisième étape, la rencontre avec un homme considéré comme l’un des meilleurs tisseurs de chapeau Montecristi extrafino au monde ; il nous accueille dans sa maison, très simple, où il a aménagé une pièce qui lui sert d’atelier. Aménagé est d’ailleurs un grand mot puisque la pièce est nue, éclairée par une large fenêtre donnant sur la vallée et on trouve juste au centre de la pièce le dispositif utilisé dans la région de Montecristi pour confectionner un panama. L’homme travaille seul, jour après jour, penché au-dessus de son ouvrage, séparant les unes des autres avec l’ongle de son pouce, les fibres qui lui ont été livrées pour ne conserver que les plus fines d’entre elles ; celles qui sont conservées sont insérées par un tissage minutieux au panama en cours de confection.

Cette étape sera l’occasion d’un exercice pratique et sous le regard amusé de l’artisan : tout notre petit groupe va s’essayer à la séparation et à la sélection des fibres. Et sur cette seule partie, nous mesurons toute la patience, la concentration et même la vision du produit fini qu’il faut avoir. Très rapidement les trois hommes de notre groupe se déclarent totalement dépassées et incompétents … Les deux femmes s’en sortiront mieux ; l’échange avec l’homme de l’art nous apprendra à la fois qu’il est heureux de mettre en œuvre son savoir, tranquillement dans son village à l’écart du bruit et au milieu de sa famille et qu’il sait parfaitement que son travail sera acquis par des célébrités … dont il ne cherche pas à connaitre le nom pour s’en vanter ; tout juste nous dira-t-il que son correspondant aux USA lui envoie des photos de son travail et il nous présentera ce que l’on appellerait un livre d’or … mais qui, en fait, sert plus à notre homme d’aide-mémoire des œuvres qu’il a réalisées. Et tandis qu’il nous explique que tel chapeau a nécessité 8 mois de tissage, tel autre un an, nous reconnaissons sous l’œuvre en question Sylvester Stallone, Brad Pitt ou une star du rock …

Photo : Espaces andins

Avant d’arriver sur la tête d’un client, fortuné, célèbre ou pas, il reste deux étapes que Christopher et Espaces Andins vont nous faire découvrir dans la ville même de Montecristi : d’abord figer la forme définitive de l’œuvre réalisée ; ce sera fait dans une sorte d’étuve et l’opération ne dure que quelques secondes avant qu’un ruban ne soit posé au bas de la partie montante du panama pour lui donner toute sa personnalité. C’est un petit atelier de trois quatre personnes qui réalise cette opération. Puis il ne reste plus qu’à suivre le panama prêt à être vendu jusqu’à l’une des boutiques spécialisées de Montecristi.

C’est l’occasion de dire un grand merci à Espaces Andins et à Christopher puisque la jeune femme de notre groupe qui s’était le mieux sortie de l’épreuve de séparation des fibres avec l’ongle de son pouce s’est vu remettre en cadeau un joli chapeau !

Et même si vous ne repartirez pas forcément avec un tel cadeau, je peux vous garantir que le suivi de la confection d’un panama vous passionnera, vous fera comprendre pourquoi tout ceci a été reconnu par l’Unesco et vous donnera envie de tout acheter dans la petite boutique qui conclura ce « voyage panama ».

Montecristi, la ville du panama où on découvre une page de l’Histoire de l’Equateur

Cette journée panama est aussi l’occasion de découvrir au travers d’un site extraordinaire un personnage majeur de l’Histoire de l’Equateur : le Général Eloy Alfaro Delgado.

Né en 1842 à Montecristi, il débute en faisant commerce des chapeau panama au Pérou, en Colombie et en Amérique Centrale avant d’entrer en politique comme principal opposant du gouvernement conservateur, allant jusqu’à financer un soulèvement populaire à Montecristi en 1870 et de devenir le dirigeant de l’Equateur de 1895 à 1911.

Il va instaurer une nouvelle constitution, laïque – une première pour le pays – et unifier les différentes parties de l’Equateur par la création d’infrastructures majeures, dont la ligne de chemin de fer qui reliera Quito, capitale politique à la capitale économique de l’Equateur, la ville portuaire de Guyaquil.

En 1906, à l’occasion de son second mandat, il ira encore plus loin dans son opposition aux conservatismes, introduisant la liberté de culte, autorisant le divorce par consentement mutuel, confisquant les biens de l’Eglise au profit de sa politique sociale (hôpitaux, …), accordant la liberté de presse et instaurant l’élection présidentielle au suffrage direct. Des écoles seront construites, des impôts, notamment ceux pesant sur les populations indigènes, supprimés.

Photo : Espaces andins

Toutes ces réformes susciteront des résistances et un déchainement de violence qui aboutira en 1912 à Quito au lynchage par une foule déchainée du général Eloy Alfaro Delgado. Son corps sera incinéré et ses cendres reposent désormais dans ce site extraordinaire perché au-dessus de la ville de Montecristi et baptisé « Ciudad Alfaro » : un mausolée impressionnant où sont conservées les cendres du général, un musée retraçant la vie de celui qui aurait pu n’être qu’un vendeur de chapeaux panama, un des trains qui reliait Quito et Guyaquil, … voici ce qui attend le visiteur. Une ambiance de recueillement, de gravité, qui contraste avec la douceur joyeuse que nous avons connue tout au long de la journée. Comme quoi un voyage en Equateur est un foisonnement d’émotions, de découvertes, de rencontres. Nous vous souhaitons vraiment de vivre cela à votre tour.

Textes et photos par C. Adler

Photo : Espaces andins

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